Le groupe d’études « Industrie de la défense », que je préside à l’Assemblée nationale, a axé ses travaux sur les PME de la défense, en se concentrant entre autres sur la question du financement de l’innovation et plus généralement de l’attractivité du secteur.Un lieu d’échange important pour les acteurs de l’industrie de la défense

Lieu d’échanges, il réunit trimestriellement en formation plénière l’ensemble des acteurs du secteur de l’industrie de la défense, avec les acteurs étatiques (la Direction générale de l’armement, le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale, la Direction générale du Trésor, Bpifrance, l’Agence des participations de l’Etat), les acteurs industriels (les groupements industriels de défense terrestre, naval et aéronautique, ainsi que le Comité Richelieu et le Cluster EDEN qui représentent les PME de défense), et les acteurs de la recherche (Chaire économie de la défense du Fonds IHEDN, Institut de recherche stratégique de l’École militaire, l’Observatoire économique de défense, l’Institut de relations internationales et stratégiques, la Fondation pour la recherche stratégique). Tous les acteurs du secteur sont donc réunis autour de la table, et les discussions libres permettent de faire remonter collectivement des sujets que nous mettons à l’agenda de nos travaux. Ces réunions plénières regroupent autour de 25 à 30 participants et permettent de de mettre à l’agenda et d’assurer un suivi des sujets d’importance.

Afin d’assurer un travail plus opérationnel, j’ai aussi lancé à l’automne 2018 un groupe de travail restreint sur les PME de la défense qui a produit une note d’analyses et de propositions. Ce groupe de travail a inscrit sa démarche dans la dynamique actuelle initiée par les autorités gouvernementales et le ministère des Armées visant à créer un environnement favorable au développement des PME de défense et à leur pérennisation. Le renouvellement récent du plan « Action PME » en constitue une preuve tangible, tout comme les structures dédiées à ces enjeux au sein des associations professionnelles.Une note de recommandation

La note se structure autour de trois axes : financement, Fonds européen de défense (FED) et les marchés de compensation. Je vous propose d’en retrouver ci-dessous les principaux points :Le financement

L’activité défense des PME génère des besoins importants de financement : des investissements en R&D conséquents, un personnel qualifié et un cycle de production plus long. Ces charges pèsent donc d’autant plus sur les PME qu’elles ne disposent pas des mêmes marges de manœuvre que les grands groupes.

L’activité défense des PME est plus difficile à financer par des financements externes traditionnels en raison de la nature propre du secteur défense et des investissements nécessaires en R&D. Ainsi, les entreprises de défense ont une dette financière nettement plus faible que les autres et mécaniquement ont recours davantage à l’autofinancement ou aux financements publics.

L’activité défense possède pourtant des caractéristiques intéressantes pour les investisseurs, qu’il convient de mettre en avant. Investir dans la défense offre des opportunités intéressantes, cela peut être rentable en « contracyclique » grâce à la récurrence de la rentabilité de l’investissement (commandes pluriannuelles) et l’assurance du long terme (durée des programmes d’armement).

Afin d’améliorer le financement des PME de défense, la note recommande d’amplifier les plans d’actions gouvernementaux pour réduire les délais de paiement des opérations d’armement et faciliter l’obtention d’avances, ainsi que de mettre en place un dispositif d’évaluation et de suivi concret.

Le renforcement de l’attractivité du secteur défense pour les investisseurs extérieurs et la facilitation de l’émergence de fonds d’investissement plus importants impliquent de produire des indicateurs sur le risque et la rentabilité des PME défense. D’autre part, l’idée d’un fonds puissant, qui tire les autres et structure la filière, pourrait avoir du sens pour offrir un éventail de financement par le capital-risque sur le numérique, l’intelligence artificielle, le renseignement et le spatial en élargissant au-delà de la dualité défense.Fonds européen de défense

Le Fonds européen de défense (FED) constitue un engagement sans précédent de la Commission européenne en faveur de la Défense. Mais il est important de considérer ses effets potentiels sur la BITD française, et notamment sur les PME et ETI en position de sous-traitants des maîtres d’œuvre industriels (MOI) français.

En effet, la logique de coopération transfrontière représente la pierre angulaire du Programme européen de développement industriel dans le domaine de la défense (PEDID) (2019-2020, doté de 500 M€) et du futur FED (2021-2027, doté de 13 Md€). Sont ainsi éligibles à un financement les actions réalisées par des entreprises publiques ou privées coopérant au sein d’un consortium d’au moins trois entités établies dans au moins trois États membres différents. Dans ce cadre, les projets collaboratifs intégrant des PME établies dans l’Union sont encouragés (taux de financement majorés). Des bonus seront donnés en fonction du nombre de PME (en position de bénéficiaire ou de sous-traitant) impliquées dans le consortium, avec une majoration si elles sont implantées dans des Etats autres que ceux des membres du consortium. Concrètement, sur le plan industriel, cela signifie que tous les MOI, grands ou petits, sont incités à se rapprocher d’entreprises d’autres Etats membres, a fortiori de type PME.

Il est donc essentiel de s’interroger sur les risques d’émiettement des compétences industrielles et technologiques à travers l’Europe inhérente à cette stratégie transfrontière, et de prévenir un effet d’éviction possible des sous-traitants de type PME et ETI des chaînes de fournisseurs des MOI français.

La note recommande la formalisation et inscription dans la durée d’une véritable « Task Force Europe » au sein du Ministère des Armées, et structurée autour de la DGA, avec une triple mission : information et accompagnement (avec un guichet unique), promotion des PME françaises à l’étranger, influence auprès des partenaires européens et des institutions européennes.Marchés de compensation

Les obligations de compensation (« offsets ») en matière de marché d’armement export se sont systématisées et complexifiées au cours de la dernière décennie. Transferts de technologies et de compétences, contrats de coproduction et/ou de sous-traitance, cessions de licence, investissement direct à l’étranger, formation du personnel et assistance technique, tels sont aujourd’hui les leviers privilégiés par des Etats acheteurs désireux de développer leurs capacités industrielles et technologiques nationales dans le domaine de la défense. Il s’agit pour l’industrie locale de participer techniquement à la réalisation du marché.

Pour les PME, ces obligations de compensations peuvent être générateurs de risques majeurs avec notamment la création de concurrents par le biais des transferts de technologies et de compétences (véritable frein à la croissance future), ou de partenariats imposés. Dans ce contexte, il apparaît nécessaire de renforcer la coopération entre l’ensemble des acteurs de l’équipe France dans le domaine des marchés de compensation afin de remporter de nouveaux succès à l’export tout en assurant la pérennité de la BITD nationale.

La note recommande de renforcer l’instance du C3E (Comité de Coordination des Contreparties Économiques piloté par la DGA, qui regroupe les principaux acteurs industriels du secteur et de l’administration), avec notamment l’entrée de nouveaux membres représentants les PME. Elle recommande également de favoriser, par l’intermédiaire des groupements professionnels, l’instauration d’un dialogue entre MOI et PME sous-traitantes autour des conditions de réalisation des compensations, ainsi que de mettre en place un dispositif de médiation dédié à la résolution d’éventuels différends entre MOI et PME sous-traitantes du secteur de la défense, possiblement avec le Médiateur des entreprises. La note enfin propose d’engager une réflexion autour de la mise en place d’une « bourse d’échange sur les compensations internationales » afin de valoriser les offset semi-directs (investissements dans le secteur défense du pays acheteur) que peuvent déjà réaliser certaines entreprises.

J’ai eu l’occasion de présenter cette note en détail aux députés commissaires de la défense pour les sensibiliser aux enjeux qu’elle présente.