La conditionnalité des aides publiques aux entreprises : un levier de transformation écologique, économique et sociétale, pour accroître l’efficacité des politiques publiques

Le 13 octobre dernier une mission d’information commune sur la conditionnalité des aides publiques aux entreprises a été formé suite à la mise en place du Plan de relance. Elle a pour but d’analyser l’impact des aides et faire des propositions concrètes au travers du rapport de mission. Travaillant depuis plusieurs mois sur le sujet, ayant moi-même porté des amendements lors des textes de révision du plan budgétaire de la France, j’en ai logiquement été nommé membre en tant que commissaire des affaires sociales. Après audition, le rapport a été finalement adopté le 24 mars dernier et présenté en commission le 31 mars 2021.

Face à la crise sanitaire exceptionnelle et à la pandémie mondiale que nous vivons depuis mars 2020, le sujet est d’autant plus critique que le plan de relance « quoi qu’il en coute » va consacrer 100 milliards au soutien direct des entreprises et aux familles les plus fragiles.

“Des conditionnalités appliquées à des aides publiques aux entreprises peuvent-elles constituer un levier de transformation écologique, économique et sociétale, pour accroître l’efficacité des politiques conduites par l’État, ses opérateurs ou les collectivités territoriales ? Peuvent-elles contribuer à relever les grands défis de notre temps, notamment la phase de transition écologique que notre pays doit conduire ?”

Un débat politique qui ne peut pas résoudre à lui seul le problème structurel

Les conditionnalités des aides publiques n’est pas une idée nouvelle en France. Ce débat a émergé dès les années 80. Cependant, les conditions actuelles de la crise ne faisant qu’accroître les déséquilibres persistants de notre modèle économique et social nous avons décidé de nous interroger sur le recours aux conditionnalités, comme choix fondamentalement politique.

Ce choix comprend de nombreux aspects juridiques, techniques et opérationnels. La mission d’information a permis de constater que les conditionnalités ne sont pas la panacée et demeurent insuffisantes pour répondre seules au problème structurel.

Tout d’abord, les conditionnalités appellent un objectif politique et un ciblage clairement définis, une réelle traçabilité́ des aides publiques, des indicateurs de suivi consolidés et partagés, des mécanismes d’accompagnement et de contrôle (voire de sanction) aujourd’hui insuffisants. Utiles, elles doivent être utilisées en complément des instruments de politique publique : “Elles peuvent contribuer à une meilleure application des lois, restaurer la confiance dans la parole publique, obliger l’État à réfléchir à ses modes de gestion, voire instaurer une forme de planification contractuelle entre la puissance publique et les entreprises.”

Ainsi, nous appelons de nos vœux “une méthodologie et à une gouvernance nouvelle des aides publiques et de leurs conditionnalités”.

Ce débat pose un questionnement plus large

La conditionnalité des aides publiques aux entreprises nous impose de revoir l’efficacité de la dépense publique et son impact économique, social, environnemental. Nous devons nous saisir de cette occasion, dans le contexte inédit de crise sanitaire et de relance économique, pour impulser un changement de modèle. Je travaille d’ailleurs en ce sens sur projet de loi nº 3875 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets puisque je souhaite que le verdissement de l’économie désiré par ce texte s’accompagne de la volonté du renforcement de la justice sociale, pour faire rimer économie verte avec économie inclusive.

D’ailleurs, nous avons constaté au fil des auditions que cet enjeu de compétitivité social, éthique et environnemental n’est pas encore intégré. En outre, un usage efficace des conditionnalités passe par l’amélioration du régime juridique des aides publiques. L’absence de vision de leur périmètre et de leur montant, de méthodologie commune dans l’octroi des aides, leur caractère discrétionnaire, rendent difficile leur évaluation et la mesure de l’efficacité des conditionnalités.

Pour conclure :

Les conditionnalités des aides publiques ont leur rôle à jouer. Sans les prendre pour des solutions miracles, elles doivent tout de même trouver leur place dans le régime des aides publiques et dans une nouvelle forme de dialogue social sectoriel capable d’entraîner positivement les acteurs économiques et sociaux pour changer de modèle.

Nous devons faire des conditionnalités non pas un unique instrument de coercition mais plutôt l’expression d’une conviction commune : une méthodologie et une gouvernance nouvelle des aides publiques et de leurs conditionnalités semblent s’imposer à nous.

23 propositions ont été formulées dans le rapport afin d’en assurer un meilleur contrôle des dépenses publiques, le partage de la valeur, la conditionnalité environnementale et l’égalité professionnelle entre femmes et hommes. 
En voici certaines en exemple :

  • Établir un ensemble d’un minimum de règle afin d’assurer un contrôle précis de la dépense publique, toute aide publique, assortie ou non de conditionnalité(s)
  • Instituer au sein du Parlement un Office parlementaire commun d’évaluation des aides publiques nationales aux entreprises. Cet Office serait chargé de l’évaluation et du suivi des aides publiques et de leurs conditionnalités, parmi lesquelles les conditionnalités environnementales.
  • Faire précéder tout versement d’une aide publique d’une vérification que l’entreprise respecte ses obligations sociales, fiscales et environnementales (pouvant prendre la forme d’une déclaration sur l’honneur).
  • Interrompre le versement de dividendes afin de préserver la trésorerie d’une entreprise lorsqu’elle bénéficie d’aide pour assurer sa survie. La durée de cette interruption pourrait être négociée entre l’État et l’entreprise

    Faire précéder tout versement d’une aide publique d’une vérification du respect par l’entreprise des dispositions de la loi n° 2011-103 du 27 janvier 2011 (dite loi Copé-Zimmermann) si elle entre dans son champ et dans le champ de toute loi instituant ou élargissant le quota de femmes dans les instances de gouvernance et de direction des entreprises.

Plus d’information sur le rapport

Sur le sujet : https://www.didierbaichere.fr/blog/budget-2021-pour-que-la-france-tienne-debout-socialement-et-economiquement/