La crise sanitaire a engendré une crise économique et donc de l’emploi. Les dernières prévisions de l’OFCE en matière d’impact de la crise sanitaire sur l’emploi s’élèvent à 460 000 demandeurs d’emploi supplémentaires (200 000 salariés dont la durée de contrat de travail est supérieure à un mois, 60 000 salariés en période d’essai et 175 000 en contrats courts). Cette contraction de l’emploi touchera les personnes les moins agiles et/ou discriminées, c’est-à-dire les Français qui en temps normal vivent déjà une situation plus difficile. Cette crise ne doit pas masquer non plus qu’il y a déjà 1,8 millions de demandeurs d’emploi de longue ou très longue durée même si ce chiffre est en baisse depuis 2018.

Des constats sur l’emploi que nous ne pouvons pas ignorer

La crise actuelle nous amène plus que jamais à ne pas retenir qu’une seule réponse économique de soutien sans contrepartie aux entreprises. L’aide de l’Etat, vitale pour maintenir notre économie à flot, doit être conditionnée à une réflexion et à des engagements pour rendre notre marché du travail plus inclusif.

Nous devons une réponse d’urgence aux 460 000 demandeurs d’emploi supplémentaires avec un plan d’accélération de retour à l’emploi : je propose la création d’un « CDI renforcé ». Ce contrat de travail, un CDI classique, renforcé d’un accompagnement financier au recrutement pour les entreprises et de l’apprentissage ou du tutorat pour les demandeurs d’emploi, c’est l’investissement dans ce marché du travail plus inclusif.

Les chômeurs prêts à l’emploi, mais « non agile » car avec des compétences en inadéquation avec les besoins actuels des recruteurs et/ou résidents de territoires défavorisés, ne bénéficient pas de véritable dispositif d’accélération du retour à l’emploi. La pandémie que nous vivons met sur le marché du travail des centaines de milliers de Françaises et Français non-préparés et le plus souvent avec des anciennetés élevées dans leur poste post-COVID.

On peut noter aussi une certaine incapacité de la puissance publique à produire un diagnostic de l’agilité des demandeurs d’emploi et un bilan d’orientation « contractuel » dans un délai court (1 à 2 mois après l’inscription comme demandeurs).

Des pistes plurielles pour accompagner le retour vers l’emploi

D’autre part, une multitude de dispositifs sont proposés par Pôle emploi aux entreprises, mais leur faible lisibilité n’encourage pas celles-ci, en particulier les TPE-PME, à s’en saisir.

Nous recommandons que la partie « conseils RH » de Pôle Emploi au travers de ses conseillers entreprises, se concentre en priorité sur les PME non pourvues de direction RH. À côté de l’insertion par l’activité économique (IAE), qui concerne un public éloigné de l’emploi, il faut mettre en place un dispositif d’accélération du retour à l’emploi pour les chômeurs employables mais non agiles qui risquent de s’enfoncer dans le chômage de longue durée et de se démonétiser vis-à-vis du marché du travail.

Ce dispositif pourrait prendre la forme d’un nouveau type de CDI : le « CDI renforcé ». Il s’agirait d’un contrat de travail (donc avec un salaire entièrement versé par l’entreprise) d’une personne qui effectuerait dans les premiers mois une sorte de période d’apprentissage ou de tutorat contractualisé au sein de l’entreprise, le temps nécessaire pour actualiser ses compétences en regard des besoins de l’employeur. Le temps de créer cette confiance qui fait tellement défaut en période de contraction économique. Cette période serait subventionnée par Pôle emploi directement auprès de l’entreprise, sans passer par la personne embauchée.

Le dispositif serait ainsi « invisibilisé » aux yeux de l’employé qui aurait un statut de salarié à part entière. Seule une convention tripartite entre Pôle emploi, l’entreprise et l’employé permettraient de s’engager sur les objectifs du CDI renforcé et s’assurer que l’entreprise joue bien le jeu du développement des compétences et de l’essai professionnel.

L’enjeu est donc double :

  • sortir de la logique de droit au chômage (logique de consommation de ses droits) pour aller vers celle de l’inclusion dans l’emploi et éviter de rentrer dans la zone de chômage de longue durée ;
  • mobiliser les ressources de l’inclusion économique en engageant fortement les entreprises dans le plan d’action. À ce titre il est essentiel de simplifier les dispositifs d’accompagnement à destination des entreprises (PME/ETI en particulier).

Proposition d’un « CDI renforcé »

  • La personne n’est plus au chômage, elle a un contrat de travail en CDI et son salaire est intégralement versé par l’entreprise (et non plus par Pôle emploi).

Il s’agirait d’un contrat de travail (« CDIr » pour « CDI renforcé ») accompagné d’une convention tripartite d’engagements. Pôle emploi serait toujours « dans la boucle » et dans ses missions au travers de l’intermédiation entre le demandeur d’emploi et l’entreprise, mais « s’invisibiliserait » aux yeux de la personne.

  • Le chômeur signe un CDI au début du dispositif et l’entreprise touche une aide financière à définir et à « piocher » dans les dispositifs déjà existant chez Pôle emploi (pour l’évaluer, voir le volume des indemnités chômage ainsi libéré).
  • Le chômeur et l’entreprise signent une convention tripartite (bénéficiaire / entreprise / Pôle emploi) qui détaille les engagements réciproques dans le cadre du CDIr, en particulier pour définir la partie formation/tutorat.
  • Expérimentation le dispositif dans plusieurs territoires (des territoires dynamiques économiquement et des territoires plus pauvres en volume d’emploi disponible) en se concentrerant sur certains secteurs économiques (restauration, aide à la personne, logistique, BTP…).