L’inclusion économique doit être la grande révolution du quinquennat – j’en ai l’intime conviction. La libération des énergies à la faveur de l’entreprise et de l’investissement doit s’accompagner, pour des raisons évidentes d’efficacité et de justice, d’une ouverture de l’économie à tous les talents, quels qu’ils soient, d’où qu’ils viennent, de la République. Enjeu de cohésion républicaine, l’inclusion économique représente également un enjeu de compétitivité pour nos entreprises : la diversité comme facteur de richesse immatérielle.
Le paradigme de l’inclusion économique
Ancien DRH et cofondateur d’une association d’insertion pour étudiants handicapés (@talentEgal), je suis un militant de toujours de l’inclusion économique. Mais qu’entend-on au juste par « inclusion économique » ? L’inclusion économique prolonge, dépasse et englobe le cadre strict de la lutte contre les discriminations à l’emploi. Aussi nécessaire soit-elle, celle-ci montre une limite structurelle : celle d’être d’abord une question d’interdiction (et d’effectivité de l’interdiction). Ne pas discriminer à l’embauche et au cours de la carrière professionnelle implique de mettre en place des dispositifs de sensibilisation, de prévention, de contrôle et de sanction. Les grandes entreprises s’y conformeront le plus souvent a minima afin d’échapper à la sanction (juridique ou réputationnelle), tandis que les TPE et PME dans leur grande majorité feront comme elles le peuvent, tout en sachant l’administration incapable d’établir un contrôle systématique de leurs pratiques. Bien sûr, certaines, pro-actives, s’empareront du sujet au travers de la RSE, par convictions, par enjeu d’images. Mais elles resteront une avant-garde minoritaire. De manière générale, la place de l’entreprise et son engagement dans la Cité doivent être valorisé dans le cadre du capital immatériel qui doit compléter son capital économique et sa valorisation.
Centré sur l’objectif de respect des droits, les politiques de lutte contre les discriminations à l’emploi ne permettent pas de répondre de manière structurelle aux attentes réelles des demandeurs d’emploi des territoires moins privilégiés. Se savoir non discriminés, mais toujours sans emploi ne les avancent pas beaucoup. Ils veulent un travail décent, à la hauteur de leur investissement scolaire et de leur motivation professionnelle : en un mot, l’inclusion économique.
L’inclusion économique permet ainsi de se situer dans une démarche active par la promotion et l’efficacité économique, et non seulement la sanction juridique. Elle implique une politique d’accompagnement des entreprises dans l’ouverture de leurs recrutements et la définition de leurs stratégies RH. L’insertion professionnelle des candidats issus des territoires moins favorisés nécessite non seulement l’assurance de leur non discrimination, mais la mise en relation effective avec les recruteurs qui en retour gagneront du temps et optimiseront leurs recrutements. L’inclusion économique se construit ainsi sur une fonction d’intermédiation.
Une première occasion : les emplois francs
La nécessité de cette fonction d’intermédiation trouve une parfaite illustration avec les emplois francs. Ceux-ci ne peuvent marcher que si le dispositif est clair et incitatif, et c’est ce que propose le gouvernement. Mais les emplois francs ne pourront fonctionner que si l’on accompagne les entreprises, notamment les TPE, PME et ETI, à identifier dans les territoires ciblés, les talents qu’elles cherchent.
L’accompagnement des demandeurs d’emploi des quartiers populaires, que ce soit par du tutorat ou des aides financières à l’embauche, ne sera réellement efficace que si, en symétrie, nous mettons sur pied une vraie politique d’accompagnement des entreprises dans l’ouverture de leurs recrutements à ces candidats. Dit autrement, l’incitation financière à l’embauche pour les entreprises n’est pas suffisante. L’accompagnement à recruter plus vite et mieux fait tout autant partie, si ce n’est davantage, de leurs priorités. En effet, à quoi sert une incitation fiscale si l’entreprise de sait pas comment, avec fiabilité et efficacité, sourcer sur ces territoires ses besoins en compétence ? D’où la nécessité pratique d’une fonction d’intermédiation qui doit être opérée par des acteurs spécialisés, qui ont su développer des méthodes et un maillage fin des territoires, en étroite collaboration avec Pôle emploi, mais également les autres institutions comme les universités.
Lancement d’un groupe de travail sur l’inclusion économique
Afin de mettre à l’agenda l’enjeu de l’inclusion économique, j’ai initié un groupe de travail informel en collaboration avec Saïd Hammouche de Mozaïk RH. Le groupe réunit une douzaine de représentants d’acteurs publics et de l’ESS dédiés à l’emploi et l’intermédiation : Pôle emploi, APEC, DGEFP, DIRECCTE, mais aussi la fondation FACE, Mozaïk RH, Passeport-Avenir/Article.1, l’ANDRH, l’AFMD, le Syntec Recrutement…
Nous travaillons à construire une expérimentation en Île-de-France d’un dispositif d’intermédiation entre les entreprises qui recrutent et les candidats issus des territoires moins privilégiés. Ce dispositif expérimental viendrait s’articuler avec l’expérimentation des emplois francs en Île-de-France, mais pourrait également concerner d’autres territoires d’Île-de-France non éligibles à l’expérimentation des emplois francs (selon une logique d’expérimentation dynamique et d’évaluation).
L’objectif est de mettre en relation le plus vite possible les candidats, prêts à l’emploi ou proche de l’emploi, avec des recruteurs exprimant des besoins en recrutement.
À noter que cette expérimentation s’inscrit dans le cadre prévu par l’article 215 de la loi Egalité et Citoyenneté du 27 janvier 2017 (cf. annexes) qui prévoit la possibilité de dispositifs d’intermédiations opérés par des acteurs de l’économie sociale et solidaire en partenariat avec Pôle emploi.
Une démarche qui va dans le sens du rapport Borello
La démarche que j’anime avec le groupe de travail sur l’inclusion économique et son objectif d’expérimenter un dispositif d’intermédiation s’inscrit de plain-pied dans les recommandations du rapport piloté par Jean-Marc Borello et remis à la Ministre du Travail le 16 janvier 2018.
En matière d’inclusion par l’emploi, celui-ci met en avant le triptyque « emploi-formation-accompagnement » et préconise entre autres la création d’un « Fonds d’inclusion dans l’emploi ». Ce fonds regroupe des moyens existants pour laisser de la marge de manœuvre aux préfets de région, qui doivent pouvoir adapter les politiques d’inclusion à la réalité de chaque territoire. Cette démarche suivrait une logique d’Etat territorial capable d’expérimenter localement, avec des objectifs de mesure d’impact social des dispositifs et de retour sur investissement. Le préfet jouerait une fonction de guichet et d’entrepreneur d’Etat.