« La crise pandémique du coronavirus nous fait toucher avec une intensité inédite la question de l’articulation entre science, technologie, protection de la population, démocratie et libertés publiques. »
« La crise pandémique que nous traversons nous rappelle à quel point il revient à l’État de garantir le plus fondamental de tous les droits : le droit à la sûreté, en l’occurrence la sûreté sanitaire de tout un chacun, et ce sans céder sur les libertés publiques. »
« Il ne s’agit bien sûr pas de prôner un solutionnisme technologique : il est évident que cette application devra faire partie intégrante d’un ensemble plus vaste de mesures sanitaires, sociales et économiques qui s’additionneront pour envisager un déconfinement sécurisé et durable. »
« Comme toute technologie, le contact tracing est un instrument qui doit être à la main de l’être humain et des nations démocratiques, et non l’inverse. Ni plus, ni moins. »
Enfin sur la question du vote à l’Assemblée nationale sur ce sujet : « C’est à l’Assemblée nationale qu’aura lieu un débat suivi d’un vote sur l’opportunité et les conditions de la mise en place d’un dispositif de contact tracing. Vote qui revêt un caractère de pure opportunité politique puisque le projet d’application s’inscrit complétement et volontairement dans le cadre de la réglementation française et européenne RGPD. Aucune modification législative n’est à prévoir. »
Communiqué de presse complet : Paris, le 21 avril 2020
Les débats de ces derniers jours souvent confus sur la future application « Stop Covid » qui permet d’implémenter en France la technologie du contact tracing masque une réalité démocratique à bien des égards exemplaire qu’il serait bon de reconnaître pour mieux l’assoir. La crise pandémique du coronavirus nous fait toucher avec une intensité inédite la question de l’articulation entre science, technologie, protection de la population, démocratie et libertés publiques. Elle replace au centre de la chaîne décisionnelle le Parlement, son rapport avec l’exécutif et ses liens avec les autorités indépendantes comme la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) ou le Conseil National du Numérique (CNNum).
Reprenons la chronologie du processus démocratique. Début avril, le Secrétaire d’État au Numérique Cédric O aux côtés du ministre de la Santé Olivier Véran ouvrent le débat sur le sujet, en toute transparence, dans les colonnes du « Monde ». En amont, l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST), l’organe commun à l’Assemblée nationale et au Sénat, publie une importante note « Épidémie de COVID-19 – Point sur les technologies de l’information utilisées pour limiter la propagation de l’épidémie de COVID-19 » qui passe au crible l’ensemble des possibilités technologiques et évalue leur degré de conciliation avec les libertés publiques. Dans le même temps, la CNIL produit un travail quotidien de conseil et d’instruction pour l’ensemble des aspects liés aux traitements des données personnelles : les demandes d’autorisation pour des projets de recherche sur le Covid-19, les outils de continuité pédagogique, les outils de télétravail, notamment de visioconférence, l’adresse par sms du Gouvernement aux Français, et bien entendu l’application « Stop Covid » dans le cadre d’auditions à l’Assemblée nationale et au Sénat. Et c’est encore à l’Assemblée nationale qu’aura lieu un débat suivi d’un vote sur l’opportunité et les conditions de la mise en place d’un dispositif de contact tracing. Vote qui revêt un caractère de pure opportunité politique puisque le projet d’application s’inscrit complétement et volontairement dans le cadre de la réglementation française et européenne RGPD. Aucune modification législative n’est à prévoir.
La crise pandémique que nous traversons nous rappelle à quel point il revient à l’État de garantir le plus fondamental de tous les droits : le droit à la sûreté, en l’occurrence la sûreté sanitaire de tout un chacun, et ce sans céder sur les libertés publiques. Au nom de la souveraineté française, nous comprenons bien que cette double exigence ne peut être déléguée sans danger à d’autres, aux acteurs privés du numérique notamment qui s’empressent déjà d’investir ce qu’ils considèrent comme un nouveau champ d’opportunités commerciales.
Sur le plan scientifique et technologique, nous constatons tous une mobilisation spontanée des scientifiques et des ingénieurs du numérique exceptionnelle depuis le début de la crise, ce qui permet aujourd’hui notamment à l’Inria de présenter le protocole ROBERT (ROBust and privacy-presERving proximity Tracing) élaborée en partenariat avec l’Allemagne. Faisant suite à une initiative européenne de suivi des contacts de proximité préservant la vie privée (PEPP-PT), ce protocole décrit comment une application doit fonctionner. Son but est de garantir le respect des normes européennes en matière de protection des données, de vie privée et de sécurité. Pour cela, la technologie envisagée pour l’application est le Bluetooth et non le bornage GSM ou géolocalisation, technologies plus invasives. En effet, le Bluetooth permet aux smartphones de détecter tout rapprochement prolongé dans un rayon de deux mètres autour de nous grâce aux messages radio émis par l’antenne Bluetooth des autres appareils que nous croisons. Pour des raisons de confidentialité évidentes, les informations circuleront sous la forme de « crypto-identifiants » ou des données anonymisées. Enfin, tout repose sur le volontariat et le consentement : le citoyen fera le choix d’installer ou non cette application.
Il ne s’agit bien sûr pas de prôner un solutionnisme technologique : il est évident que cette application devra faire partie intégrante d’un ensemble plus vaste de mesures sanitaires, sociales et économiques qui s’additionneront pour envisager un déconfinement sécurisé et durable. Cette application sera un outil indispensable pour alerter la population et aider les services médicaux qui remontent les chaines de propagation du virus.
Comme toute technologie, le contact tracing est un instrument qui doit être à la main de l’être humain et des nations démocratiques, et non l’inverse. Ni plus, ni moins.
Didier Baichère, Député des Yvelines
Plus d’informations sur le site de l’Inria.
Consulter la note de l’OPECST.