Participez au cinquième atelier le Jour d’après « Entreprises citoyennes et inclusion économique : un enjeu territorial » mardi 21 avril à 17h30 avec :
- Thibaut Guilluy, Haut-commissaire à l’Inclusion dans l’emploi et à l’Engagement des entreprises
- Angélina Lamy, Déléguée générale de la Fondation Accenture France
- Animé par Didier Baichère, Député des Yvelines.
La crise sanitaire souligne le besoin de l’engagement de tous les acteurs d’un territoire. A ce titre, les entreprises jouent et doivent jouer davantage leur rôle d’acteur citoyen de proximité. C’est le sens de la loi PACTE qui prévoit la possibilité pour toute entreprise de définir sa raison d’être et de se constituer en « société à mission ». Reconnue pour être redistributrice en terme d’aide sociale, la France ne joue cependant pas suffisamment la carte de l’inclusion économique. Comment aller plus loin ? Comment l’entreprise peut donner sa chance aux citoyens potentiellement discriminés et en faire un élément de sa compétitivité économique ?
Entreprises citoyennes et inclusion économique : un enjeu territorial
1. Répondre à la France économique de l’ordinaire : de l’insertion sociale à l’inclusion économique
La politique économique du gouvernement faite de grandes mesures macroéconomiques n’est plus à démontrer. La confiance des entreprises dans le potentiel de la France, malgré la pandémie qui nous frappe, est réelle. Mais quel est le message pour la France économique de l’ordinaire. Celle-ci ne bénéficie qu’indirectement des réformes économiques structurelles. Pour autant, elle n’attend pas non plus le déploiement à son profit de nouvelles politiques sociales redistributrices. Elle réclame tout simplement que les dispositifs existants lui soient utiles en étant calibrés à ses besoins concrets, qu’ils soient coordonnés avec efficacité afin que leur complexité ne pèse pas sur les bénéficiaires (guichet et interlocuteur unique, politiques sociales coordonnées sur les territoires…), que le patron de PME qui fait une dizaine de recrutements bénéficient de plus d’accompagnement de la part de Pôle emploi que la grande entreprise qui recrute par dizaine avec ses propres services support pour atteindre ses objectifs.
Les dispositifs d’insertion sociale et professionnelle destinés aux plus éloignés de l’emploi sont indispensables, mais ils restent nécessairement dans une volumétrie limitée (175 000 bénéficiaires de l’Inclusion par l’Activité Économique avec 3900 entreprises participantes, 900 bénéficiaires de Territoires Zéro Chômeur…face à 1,8 millions de chômeurs de longue ou très longue durée). La volumétrie de la France économique de l’ordinaire, quant à elle, renvoie aux millions de chômeurs moins agiles, et aux centaines de milliers de jeunes des quartiers populaires prêts à l’emploi ou proches de l’emploi mais freinés par des discriminations structurelles, et aux 3 millions de TPE-PME qui font l’emploi en France.
S’adresser à la France économique de l’ordinaire, c’est répondre aux trois besoins suivants :
- L’inclusion économique comme nouveau cadre d’action publique, à la fois distinct du cadre de l’insertion sociale pour les publics en difficulté et de celui des mesures de compétitivité pour les acteurs économiques les plus dynamiques ;
- L’intermédiation comme outil technique qui permet de faire le lien (qui autrement ne se produit pas) entre les opérateurs et les bénéficiaires moins agiles des dispositifs publics, demandeurs d’emploi comme recruteurs, dans une logique d’accompagnement et de guichet unique basé sur la compétence et non un dispositif d’accompagnement social ;
- La coordination micro-territoriale comme gouvernance des acteurs de l’emploi et de l’inclusion, avec la participation des entreprises au travers de leurs fédérations patronales et ou groupements/associations patronales.
2. Le nécessaire engagement citoyen de toutes les entreprises : l’échelle territoriale
À la différence des politiques d’insertion sociale essentiellement centrées sur les bénéficiaires et opérées par les opérateurs publics et des structures privés spécialisées (ex : entreprises d’insertion), les politiques d’inclusion économique, en raison de leur cible très large, nécessitent l’engagement de l’ensemble des acteurs, à commencer par les entreprises : les grands groupes mais également les TPE, PME et ETI.
Parce que justement cet engagement ne peut se réduire à quelques grandes actions nationales menées par des grands groupes au travers de leurs politiques RSE (responsabilité sociale de l’entreprise), cette mobilisation générale ne peut que s’organiser à l’échelle territoriale : bassin d’emploi et de vie, agglomération, territoire de projet.
3. Les limites du PAQTE et du Plan 10 000 entreprises : passer de la mobilisation institutionnelle à la gouvernance d’action
De manière générale, la loi PACTE du 22 mai 2019 permet aux entreprises de définir sa raison d’être et de se constituer en « entreprise à mission ». En matière d’inclusion économique, le PAQTE (plan d’action pour les quartiers avec toutes les entreprises) lancé par Julien DENORMANDIE et poursuivi par la Grande équipe de la réussite républicaine, puis le Plan 10 000 entreprises lancé par Muriel PENICAUD cherchent à organiser la mobilisation territoriale des entreprises.
Cependant apparaissent les limites suivantes qui empêchent le plein succès de la démarche du Gouvernement.
3.1. Améliorer la coordination multi-acteurs horizontale au niveau micro-territorial
La lenteur du lancement des comités départementaux PAQTE et les premiers pas des clubs 10 000 entreprises illustrent le travers de ces démarches : elles tendent rapidement à se cantonner à de la mobilisation institutionnelle, avec au mieux des réunions de sensibilisation et de débat avec les acteurs. Mais sans jamais vraiment parvenir à enclencher une véritable gouvernance d’action.
La coordination effective sur un territoire de la multiplicité des acteurs de l’emploi et de l’inclusion (DIRECCTE, Pôle emploi, APEC, mission locale, Ecole de la 2e chance, CCI, CMA, fédérations patronales, acteurs de la formation, associations) nécessite en effet un savoir-faire que maîtrise mal l’Etat territorial : la capacité d’animer de manière horizontale et matricielle, autour de projets concrets, des acteurs aux logiques institutionnelles différentes et sur lesquels on n’exerce pas de lien hiérarchique. En bref, une compétence « chef de projet ». Or c’est bien dans une coordination effective de ces acteurs que réside l’essentiel des gains d’efficacité de l’action publique en termes d’impact social. Les agents des DIRECCTE ne semblent pas toujours posséder cette compétence tandis que les sous-préfets ne semblent pas avoir la disponibilité suffisante pour l’exercer.
Par ailleurs, tout l’enjeu de cette coordination est d’intégrer les entreprises. Il faut une certaine « ouverture d’esprit » pour sortir de la culture purement administrative et donner aux entreprises, au travers de leurs organisations représentantes, toute leur place au sein de la gouvernance territoriale de l’emploi et qu’elles y comprennent l’intérêt d’y participer.
D’autre part, le niveau départemental n’est bien souvent pas le bon niveau de granularité : les acteurs « qui font » relèvent d’un niveau territorial plus micro : celui de l’agglomération. À cet égard, les comités départementaux du PAQTE ne peuvent pas remplir correctement cette fonction de coordination opérationnelle.
Propositions
- Un poste de délégué du préfet pourrait permettre de cumuler le savoir-faire de chef de projet et la position institutionnelle étatique.
- L’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) pourrait se charger de la formation de ces personnels, voire de les détacher de son sein (comme agence de compétences).
- Le niveau du bassin d’emploi semble le niveau pertinent (c’est ce qu’expérimente la préfecture d’Île-de-France dans sa politique de la ville).
3.2. Instituer une intermédiation systématique et spécialisée
Que ce soit pour les stages de 3éme pour les collégiens de collèges REP+, l’accès à un premier emploi pour les résidents des quartiers populaires ou l’accélération du retour à l’emploi des chômeurs moins agiles, il manque bien souvent la mise en place d’une intermédiation spécialisée. Par exemple, pour les stages de 3ème, l’Education nationale n’ira pas d’elle-même faire le travail de lien avec le monde de l’entreprise. De même, les candidats des quartiers populaires ne rencontreront pas d’eux même l’entreprise et réciproquement.
Propositions
- L’accompagnement RH des TPE-PME est un levier majeur d’amélioration de l’impact social des dispositifs publics. C’est en reconnectant l’entreprise de manière opérationnelle qu’on pourra redonner de l’efficacité aux dispositifs dédiés aux candidats, et qu’on amènera les entreprises à jouer pleinement leur rôle dans la gouvernance territoriale de l’emploi.
- La redéfinition de Pôle emploi comme acteur stratégique qui s’appuie sur des acteurs spécialisés de l’inclusion est essentielle car elle permet de ramener à lui des publics (candidats comme entreprises) qu’il n’arrive plus à toucher.
3.3. Connecter les entreprises au moyen d’une plateforme numérique d’animation territoriale
La mobilisation et l’intégration des entreprises d’un territoire ne peut seulement s’appuyer sur une coordination physique d’acteurs qui n’ont pas nécessairement le temps de multiplier les réunions de coordination. L’outil numérique doit ici être davantage investi pour mettre en réseau l’ensemble des entreprises d’un territoire et faciliter une vue d’ensemble des ressources et des bonnes volontés disponibles. C’est ainsi que la préfecture, au travers des DIRECCTE, pourrait mettre en place et animer, en lien avec la CCI et les organisations représentant les entreprises, une plateforme numérique territoriale dédiée à l’inclusion économique et donc à l’emploi.
Proposition
- Une plateforme numérique d’animation territoriale est créée et animée pour chacun des territoires par la DIRECCTE, en lien avec la CCI et les organisations représentant les entreprises.