Testing pour lutter contre les discriminations à l’embauche, il y a urgence de contractualiser avec les territoires et les entreprises.
« L’existence de discriminations dans l’accès à l’emploi, en particulier pour des habitants issus des quartiers prioritaires de la politique de la ville est une des manifestations des inégalités qui sèment le doute sur les valeurs républicaines et sur l’efficacité de l’action publique.
L’objectif du Gouvernement est de lutter contre ces discriminations et cela passe d’abord par la mise en lumière de l’existence de ces discriminations. A la demande du président de la République, la ministre du Travail, le ministre chargé de la Ville et du Logement, et la secrétaire d’État chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes, ont lancé en 2018 la plus grande opération de testing jamais menée en France. Organisée en trois vagues de testing elles toucheront près de 120 grandes entreprises.
« Le Gouvernement accélère le calendrier et lance dans les prochaines semaines la deuxième vague de cette opération de testing, à nouveau sur 40 grandes entreprises du SBF 120 tirées au sort. Cette nouvelle étude permettra de mieux connaître la réalité des discriminations à l’embauche dans notre pays, notamment en corrigeant les limites qui avaient pu affecter les résultats de la première vague. » Extrait du communiqué de presse du 17 juin 2020Mes recommandations pour accélérer le déploiement des campagnes de testing à l’ensemble des entreprises et des territoires en France :
- Les limites à la lutte contre les discriminations à l’embauche via les campagnes de testing.
Les campagnes de testing sur les discriminations à l’embauche, avec publication des noms des entreprises épinglées pour leurs mauvaises pratiques, constituent une avancée décisive en matière de lutte contre les discriminations à l’embauche et plus largement de réalisation de la promesse d’égalité républicaine. Cependant, elles se confrontent nécessairement à deux limites :
- La limite de la sanction par le droit. Les acteurs peuvent adopter des stratégies de conformité a minima aux règles de la non discriminations, c’est-à-dire en cherchant à éviter les sanctions mais sans être convaincus positivement par les objectifs de non discriminations, et donc sans mettre en œuvre des comportements proactifs à même de changer en profondeur les choses.
- Les campagnes de testing ne semblent pas adaptées au TPE, PME et même ETI. Or, ce sont elles qui font la majorité des recrutements en France. De fait, le déploiement territorial pose question alors que l’enjeu de transformation et d’accompagnement se situe au plus proche de l’emploi et des managers recruteurs. Pour le CAC 40 et le SBF 120, on peut aussi noter que les directions centrales des ressources humaines opèrent rarement directement des recrutements. En effet, ce sont les sites décentralisés sur le territoire qui sont au contact quotidien des discriminations potentielles.
- Relayer les campagnes de testing sur les territoires : mobiliser les entreprises via les clubs La France une Chance
Le changement systémique ne se fera qu’à l’échelle des territoires, en embarquant les entreprises de chaque territoire, notamment grâce aux relais des chambres consulaires et des fédérations patronales.
Pour cela, le cadre du PAQTE et plus largement celui des clubs 10 000 entreprises apparaissent comme le vecteur idoine d’un relai territorial des campagnes nationales de testing.
- Proposition de décliner la sensibilisation et la promotion des campagnes de testing au niveau des territoires via les clubs 10 000 entreprises avec un pilotage conjoint DIRECCTE/Préfecture.
- Campagnes de testing et politique d’inclusion économique se complètent mutuellement
L’inclusion économique élargit le cadre strict de la lutte contre les discriminations puisqu’elle intègre une dimension positive. En effet, elle prend en compte le changement des comportements par l’adhésion des entreprises aux objectifs et surtout aux atouts économiques (en termes d’optimisation de leur recrutements) de la non-discrimination. Toutefois, l’inclusion économique ne peut seulement compter sur l’adhésion volontaire : elle doit s’appuyer sur la sanction de la loi. Lutte contre les discriminations et politique d’inclusion économique doivent ainsi s’articuler et se compléter mutuellement.
Les campagnes de testing comme levier pour la sensibilisation des entreprises
Les campagnes de testing permettent de déployer un discours de sensibilisation auprès des entreprises, notamment des TPE, PME et ETI, en s’appuyant sur les relais que constituent les chambres consulaires et les fédérations patronales. Le discours serait le suivant : « le Gouvernement a conduit une politique pro-entreprises. Aux entreprises maintenant de démontrer leur engagement responsable et citoyen sur leurs territoires. » « Le Gouvernement lance des campagnes de testing pour les grandes entreprises, mais demain cela pourrait arriver pour les PME : il faut s’y préparer et travailler à l’évolution de vos pratiques de recrutement. »
Pour les grandes entreprises dotées en RH, contractualiser des objectifs de progression
Pour les grandes entreprises des territoires, les clubs « La France une chance » peuvent être le lieu d’un engagement (spécifique à chaque grande entreprise) sur des objectifs de progression en matière de recrutements non discriminants et ouverts sur les candidats des quartiers moins favorisés. Les acteurs du service public de l’emploi s’engagent en retour à assurer la qualité de services et aides publiques de droit commun.
Pour les petites entreprises peu ou pas dotée en RH, proposer un accompagnement individualisé au recrutement et en conseil RH
Les petites entreprises n’ont généralement pas de ressource RH en interne pour prendre à bras le corps les questions d’inclusion économique. Elles sont toutes absorbées sur la réponse à leurs besoins (souvent immédiats) de recrutement. Elles ne savent bien souvent pas se saisir des outils du service public de l’emploi, pourtant non payants.
- Proposition de mettre en place un contrat territorial pour l’accompagnement au recrutement via les clubs 10 000 entreprises entre les représentants des entreprises et les services publics de l’emploi en matière d’accompagnement individualisé des TPE et PME. Les représentants des entreprises du territoire (DIRECCTE/Préfecture) joueraient le rôle d’intermédiation entre les entreprises et les acteurs de l’emploi, à commencer par Pôle emploi, pour amener les entreprises à se saisir davantage des outils publics (comme les conseillers entreprises de Pôle emploi ou les aides à la formation).
- Ce contrat territorial prendra en considération les éléments avancés par l’entreprise dans le cadre de sa raison d’être, de son objet social lorsqu’il existe.
- Le mécénat de compétences peut être mobilisé sur le terrain. Des entreprises de taille plus importante ayant déjà travaillé le sujet des discriminations peuvent détacher un salarié dans une PME à cette fin et ainsi renforcé l’intelligence collective de l’eco système territorial.
- Proposition de plan d’action
Quelques territoires pourraient faire l’objet d’un cadre expérimental de 24 mois pour mesurer les freins locaux et le gap entre la stratégie nationale, le cadre juridique déjà largement fournit sur le sujet de la lutte contre les discriminations, et le besoin des employeurs locaux.
Sur le plan territorial
De mon point de vue, le temps de la simple animation et sensibilisation sur les pratiques de recrutement sans discriminer est largement dépassé. Il est urgent de passer à une logique de contractualisation avec les chambres consulaires, fédérations professionnelles et associations locales d’employeurs pour s’engager :
- Sur un plan de mobilisation départemental ;
- Les conditions du déploiement du testing territorial (attendus, méthodologie…) ;
- Les conditions contractualisées du plan d’amélioration si des discriminations étaient avérées.
Pour les entreprises, le dispositif répondrait aux principes suivants :
- Contractualisation en amont de la campagne de testing
- Mesure des écarts, avec une méthodologie transparente de testing
- Si le testing révèle des pratiques discriminatoires par l’entreprise, celle-ci doit s’engager dans un plan d’action
- En cas d’absence de réaction ou de résultats de l’entreprise :
- Pour les entreprises +500 salariés : activer la sanction du « name and shame» et une sanction sur la notation extra-financière (sociétés non cotées de +500 salariés et affichant un chiffre d’affaire ou un total de bilan de +100 000 M€)
- Pour les entreprises -500 salariés : reprise du plan d’action avec de nouveaux engagements
- Si au bout de 5 ans il n’y a pas de progrès global : mise en place d’une taxe (sur le modèle des 1% du chiffre d’affaire en cas de non respect de l’égalité professionnelle).