Mission d’expertise – Le monde de l’Internet des objets : une dynamique à maitriser

Que nous apporte l’internet des objets ? Quels sont ses impacts dans notre vie quotidienne, ainsi que sur l’environnement ? En mai 2021, la ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili, et le secrétaire d’État chargé de la transition numérique et des réseaux de télécommunication, Cédric O, ont confié pour mission à France Stratégie de réaliser une étude « sur les principaux impacts de l’Internet des objets, et notamment à partir de la 5G, sur l’environnement (…), sur la vie quotidienne des Français, tant par leur impact social (…) que par les enjeux sociétaux qu’ils soulèvent ». J’ai eu l’honneur de participer au comité d’expert créer pour réaliser l’étude, présidé par Claude Kirchner, Directeur de recherche à l’INRIA et Directeur du Comité national d’éthique du numérique. 

En mars 2018, j’avais publié la première note scientifique de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques sur les objets connectés, format créé afin monter en puissance et de saisir de sujets de société sans attendre une saisine d’une commission. Ces travaux m’avaient amené à conclure plusieurs choses : progressivement, les objets connectés allaient être utilisés dans tous les secteurs économiques (industrie, santé, vente, etc.) et qu’ils étaient donc porteurs de nombreuses promesses bien que se posaient néanmoins d’importants défis technologiques et sociétaux. J’ai donc pu apporter mon expertise parlementaire tout au long des travaux. 

L’internet des objets c’est quoi ?  

« L’Internet des objets désigne la mise en réseau, au moyen d’Internet, d’objets physiques. Ce peut être une ampoule électrique, un panneau de signalisation, un bracelet, une brosse à dent, un pacemaker, une poupée, un thermostat, un pluviomètre, un détecteur de CO2, une caméra, un vélo, un vêtement ou encore un ensemble de capteurs actionneurs sur une chaîne de production industrielle… Passerelle entre le monde physique et le monde virtuel, cette mise en réseau numérique globale a des impacts profonds sur tous les secteurs de l’activité humaine : notre habitat, nos véhicules, notre environnement de travail, nos usines, nos villes, notre agriculture, notre système de santé. D’abord simple solution technologique, l’Internet des objets – IdO en français ou IoT en anglais pour « Internet of Things » – est devenu l’un des éléments clés de la transformation numérique et de l’Internet que nous connaissons. »  

Le rapport apporte des clés de compréhension de l’IdO, domaine dont il est encore difficile de mesurer l’ampleur et d’appréhender tous les enjeux pour l’action publique. La première partie s’attache à comprendre l’Internet des objets et à expliciter les principales notions, notamment en proposant une définition raisonnée, en décrivant les technologies mobilisées et en dressant un panorama des principaux indicateurs économiques du secteur qui est encore quasi inexistant dans la statistique publique. La deuxième partie se propose d’analyser les enjeux sociaux et environnementaux que soulève de façon singulière l’IdO. La troisième partie présente des pistes pour agir et pour accompagner le développement de l’Internet des objets dans le respect d’un certain nombre d’exigences sociales et environnementales. 

Que nous apporte l’internet des objets ? Quels sont ses impacts dans notre vie quotidienne, ainsi que sur l’environnement ? 

Cette mission qui s’inscrit dans le cadre de la feuille de route Numérique et Environnement nous a permis de constater que l’impact important et croissant de l’Internet des objets est plus qu’une simple évolution technologique. En effet, il bouleverse nos rapports au numérique mais aussi les rapports humain-machine. Omniprésent, divers et invisible, les conséquences et leurs évolutions sur le quotidien des Français sont cependant difficilement évaluables. Comme pour toutes les nouvelles technologies, pour améliorer la compréhension des enjeux techniques, éthiques, environnementaux ou économiques, nous avons besoin d’améliorer nos techniques d’observation. J’arrive au même constat pour les dispositifs de reconnaissance faciale.  

Cette place toujours plus importante (nouveaux usages, nouvelles infrastructures, nouveaux équipements, etc.) que prend l’internet des objets va obligatoirement avoir une conséquence directe sur l’environnement : il va constituer une composante importante de l’impact environnemental du numérique. Afin de contenir l’augmentation de la consommation énergétique, l’empreinte carbone et les déchets, il nous faut dès à présent nous concentrer sur le recyclage des objets et la réduction de cet impact. 

Pour aller plus loin que l’environnement, d’un point de vue sécuritaire, nous devons agir : l’IdO accroît les surfaces de vulnérabilité et présente des risques renouvelés en matière de cybersécurité (vols de données ou d’actes de malveillance s’ajoutent des risques d’attaques systémiques à très grande échelle). D’un point de vue géopolitique et technique ensuite, nous devons constater que les développements de l’IdO se jouent largement hors de nos frontières. Les technologies impliquées sont de maturité inégale, avec des incertitudes techniques qui restent à lever. Notre pays comme l’Europe disposent d’atouts pour jouer un rôle dans cette compétition et conserver notre souveraineté numérique. 

Enfin, d’un point de vue réglementaire, L’internet des objets se fonde sur un cadre de régulation déjà riche, avec de nombreuses dispositions tant au niveau européen que national. En résulte, que ce cadre est fragmenté et générateur de complexité, pour les entreprises notamment. Pour la protection des données personnelles, RGPD couvre la majorité des situations d’utilisation de l’IdO. Mais certaines applications ne permettent pas la mise en œuvre d’un consentement libre et éclairé et il reste des incertitudes sur le statut des données non personnelles produites dans le cadre d’application IdO, ainsi que sur la protection des consommateurs. Nous devons veiller et aller vers une meilleure protection de la vie privée et des droits fondamentaux des utilisateurs mais aussi à lever des incertitudes sur le statut des données non personnelles tout en proposant de favoriser leur valorisation. 

Des pistes pour avancer dans la bonne direction 

Nous proposons dans ce rapport 30 propositions qui, en raison de l’ampleur du champ étudié et des délais de réalisation de l’étude, sont des premières pistes qui restent à instruire en détail. Ces recommandations visent à éclairer la société, pour permettre à tous, citoyens comme entreprises, de s’approprier nos travaux et d’en saisir les principaux enjeux. Elles ont aussi vocation à anticiper les sujets sur lesquels une action publique pourrait être nécessaire. Elles s’articulent autour de cinq axes : 

  1. Donner les moyens de développer une vision stratégique de l’Internet des objets : observer, mesurer, comprendre, protéger 
  2. Développer la recherche et intensifier la présence française dans les instances de gouvernance de l’Internet 
  3. Permettre le développement d’un IdO éthique et respectueux des utilisateurs 
  4. Soutenir le développement d’un IdO sobre et responsable 
  5. Concevoir un IdO de confiance pour les entreprises, les citoyens et les acteurs publics.